vendredi 29 juin 2007

vendredi 29 juin 2007

Ny Ålesund 21h38
T°C: 6°C
T°C plus effet du vent: -3°C
Humidité relative: 80%

La maison est vide: Maarten est parti approvisioner nos compteurs d'oies au bout du fjord, Bas s'occupe de son labo, Ricardo doit pister les touristes quelque part et Stefan profiter de ses derniers jours à London2. Pas d'oies au bout du chemin ce soir, la pluie glaçante de 7h les a forcées à se terrer contre la toundra. L'ordinateur est libre.
Nous voici donc à Ny-Ålesund depuis bientot deux semaines. La vie suit le train des oies sur la toundra et la course du soleil au dessus des têtes. Etrange sensation d'arriver ici aussi vite, dans le cercle polaire arctique, sur une terre où il fallait auparavant plusieurs jours de bâteau parmi les débris des glaces, dans ce village d'où de nombreuses expéditions polaires sont parties et ne sont parfois pas revenues.


Les premiers jours à Longyearbyen m'avaient parus étranges: arrivé trop vite sur cet île, je me sentais marcher sur des nuages, incapable d'assimiler le changement de civilisation. Passer de l'ère de l'agenda et de la ponctualité à celle de du soleil et de l'attente. Bas me demandait pourquoi je voulais venir ici (ou là) : pour arriver quelque part où l'on ne contrôle pas tout et où il faut se sentir humble devant la nature pour exister.
Ce dimanche, en cadeau d'anniversaire, l'esprit encore embrumé par la fête de la mi-été et le feu de la saint Jean de la veille, j'ai eu droit à un branle-bas-de-combat en bonne et due forme: l'ours avait été vu à Storholmen, une ile du fjord où nous passons parfois. L'ours, l'ours polaire, la plus grande crainte des norvégiens du nord avec la peur que le soleil ne réapparaisse pas au printemps. Les fusils ont poussé sur les épaules, on a parlé d'un, puis de deux, on a dit qu'il était à deux heures de nage du village, que le courant lui faisait gagner de la vitesse, porté par les icebergs, qu'il en arrivait du nord et du sud, bientôt de l'est et de l'ouest. La rumeur va souvent plus vite que son objet... L'ours est reparti vers des berges plus calmes mais nous ne quittons désormais plus notre fusil à verrou .308.

Fusil et télescope, les deux compagnons du petit ornithologiste de terrain.

C'est une étrange sensation que de se sentir faible et petit devant un animal, et quelque peu dommage que notre relation avec lui ne soit que défensive : dans 98% des rencontres pourtant, l'ours ne veut que savoir quel type d'animal est sur son chemin, et s'en retourne dès que sa curiosité est satisfaite. Le fusil n'est qu'un placebo, malheureusement parfois nécessaire.


Coquelicot du Svalbard (Papaver dalhianum)

1 "humide" - éclos-, 1 "trou" -2ième phase d'éclosion- , 1 oeuf (Branta leucopsis)

Depuis l'arrivée du soleil, la vie reprend, la neige fond, les fleurs sortent, les oeufs éclosent et les biologistes baguent, observent, notent et s'affairent, pressés par les naissances comme l'écureuil par le retour du froid. Pour l'instant nous ne faisons que relever les nids, noter les bagues des parents et le nombre de familles et de rejetons, mais les oiseaux n'attendent pas avant de se jeter dans la mer : dès le premier soir, les poussins trébuchent à côté de leurs parents.

Pendant ce temps, les glaciers grondent et pleurent l'arrivée de l'été. Leurs larmes flottent alors dans les eaux du Kongsfjord, la baie du Roi, entre les canots d'aciers qui partent vers les îles ou l'océan. Je m'assoie à la proue et guette les icebergs ; un geste dans une direction et le canot suit ma main.


Les mouettes tridactyles (Rissa tridactyla) sur le piquet de grêve après l'annonce de la suppression de 10 000 postes dans la fonction publique

à bientôt
yvan

PS: vous pouvez maintenant voir les photos en taille réelle en cliquant dessus.

PS2: pour en voir plus : allez sur Netherlands arctic station

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Encore une fois magnifique.
Toujours un plaisir de suivre tes aventures vieux coyote.
Continue comme ça.
A bientôt.

Anonyme a dit…

17000 postes, mon pote...

IL est oufmalade ton blog!